PINT Avocats Newsletter mars 2020 : le Covid-19 un cas de force majeure ?
PINT Avocats : Newsletter mars/avril 2020
Le Covid-19, un cas de force majeure ?
Depuis le 17 mars 2020 midi, la population se voit confiner pour faire face à la crise sanitaire causée par le Covid-19 rendant impossible parfois l’exécution de ses obligations dues en vertu d’un contrat.
Ainsi, le ministre de l’économie, le 29 février 2020 a déclaré que le Coronavirus était un cas de force majeure pour les entreprises, en particulier dans les marchés publics de l’Etat, justifiant l’inapplication des pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles.
Quant à la doctrine, certains estiment que le Covid-19 constitue un évènement de force majeure depuis le 29 février 2020 (déclaration officielle de l’épidémie Coronavirus en France) ou depuis le 30 janvier 2020 (pour l’épidémie au niveau mondial) rendant ainsi impossible l’exécution d’un contrat.
- Rappel :
Depuis 2016, la force majeure est définie comme suit « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».
- Est-ce qu’une épidémie peut être considérée comme un évènement constitutif de force majeure ?
Les épidémies telles que la peste, la grippe H1N1, le virus de la dengue et le chikungunya n’ont pas été considérées par les juges comme des évènements constitutifs de force majeure.
Une épidémie n’est donc pas nécessairement un cas de force majeure.
Cependant aux vues de la crise sanitaire sans précédent que nous vivons aujourd’hui il est possible que le Covid-19 soit considéré comme un évènement de force majeure.
- Comment qualifier le Covid-19 d’évènement constitutif de force majeure ?
Selon la définition que nous avons donné plus haut, trois conditions cumulatives doivent être remplies pour que le Covid-19 constitue un évènement de force majeure :
- L’extériorité, il doit s’agir d’un évènement échappant au contrôle du débiteur. Cette condition ne devrait pas poser de difficulté s’agissant d’une épidémie virale.
- La prévisibilité, il convient ici de se poser la question de savoir à partir de quel moment peut on considérer que le Covid-19 pouvait être raisonnablement prévu. Ainsi, pour les contrats conclus peu de temps avant le confinement, il sera certainement plus difficile pour les parties d’invoquer la force majeure.
- L’irrésistibilité, il convient ici de se demander si les effets ne peuvent pas être évités par des mesures appropriées. Cette notion pose également difficulté… En effet, que faut-il entendre par mesures appropriées ? Est-ce que le fait de pouvoir télétravailler est une mesure appropriée ?
Quoi qu’il en soit, il appartient au contractant qui entend activer la clause de force majeure insérée à son contrat de démontrer que les conditions d’applicabilité de cette dernière sont réunies, sans oublier le lien de causalité entre le Covid-19 et l’impossibilité d’honorer son engagement contractuel.
- Analysez les clauses de vos contrats
Beaucoup de contrats pré-qualifient la force majeure en donnant des cas plus larges que ceux retenus par la jurisprudence.
Ainsi, certaines clauses peuvent notamment prévoir que des épidémies constituent un évènement constitutif de force majeure.
De ce fait, la question pourra ne pas se poser.
Il conviendra de voir au cas par cas si les contrats contiennent une telle clause.
Sur ce point, la FEVAD précise que si le contrat a été signé avant le 29 février 2020, la clause de force majeure s’applique automatiquement (sans qu’il soit nécessaire qu’apparaisse expressément la mention d’épidémie dans le contrat) au Covid-19.
Cependant pour les contrats conclus à l’étranger (notamment avec la Chine) la date à prendre en considération est celle du 30 janvier 2020.
A l’inverse, si le contrat a été signé après le 29 février 2020 (ou 30 janvier 2020) le Covid-19 n’était plus imprévisible. Il faut donc que le Covid-19 apparaisse clairement dans la clause de force majeure pour que celle-ci fonctionne.
- Les conséquences sur vos obligations
La FEVAD souligne qu’il faut distinguer trois situations :
Si vous faites face à un empêchement partiel : le débiteur de l’obligation n’est libéré que des seules obligations concernées par le cas de force majeure lorsqu’il n’existe qu’une impossibilité partielle d’exécution du contrat.
Si vous faites face à un empêchement temporaire : les obligations sont suspendues le temps qu’il faut (dans la limite du raisonnable), à moins que le retard et les conséquences qui en résulteraient pour le créancier ne justifient la résolution du contrat.
Si vous faites face à un empêchement définitif : le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations respectives. Il faut procéder à des restitutions et remises en état des parties au jour de la formation du contrat ou au jour du dernier bon de commande pour les contrats à exécution successive.
- Quel autre recours est envisageable ?
L’article 1195 du Code civil encadrant l’imprévision peut être une alternative ainsi « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant ».
Encore faut-il que cet article n’est pas été exclu dans le contrat. Si tel n’est pas le cas, la partie souhaitant invoquer l’imprévision doit établir que :
- le changement de circonstances était imprévisible à la date de la conclusion du contrat :
- que ce changement a rendu l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie ;
- que cette partie n’avait pas accepté par avance d’en assumer le risque.
Si les conditions sont remplies, les parties doivent renégocier le contrat tout en continuant d’exécuter leurs obligations.
En cas, d’échec les parties peuvent convenir de résilier le contrat selon des conditions prédéfinies.