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Signe de qualité : protégeons le savon de marseille !

Le « savon de Marseille », recette ancestrale et emblématique de la Provence, est aujourd’hui menacée de disparaitre. En effet, nom tombé dans le domaine public, ne bénéficiant d’aucune protection légale et n’étant reconnu par la direction générale de la consommation et de la répression des fraudes que comme un simple procédé de fabrication, il subit la concurrence directe de produits importés.

Traditionnellement réalisé avec 72% d’huiles végétales, sans aucune graisse animale, ni parfum, ni colorant, ce savon authentique n’est plus celui que l’on trouve en majorité sur le marché. La plupart des produits estampillés « savon de Marseille» proviennent désormais de Chine, Malaisie, ou encore Italie.

Cette concurrence met à mal les entreprises locales, récemment c’est la savonnerie Fer à cheval qui a échappé de justesse à la liquidation judiciaire.
Le problème est qu’il n’existe aucune protection du terme « savon de Marseille » et aucune législation unifiée en la matière.

Ô scandale, allant à l’encontre de l'Édit de Colbert de 1688, L’AFISE (association française des industries de la détergence) dans un code d’usage rédigé en 2003 définit le savon de Marseille sur la base d’un procédé de fabrication pouvant inclure l’utilisation de graisses animales ou de parfums, pourtant exclus de la recette traditionnelle.

Des savons ne respectant pas la recette authentique peuvent donc être commercialisés en toute impunité, constituant une concurrence déloyale pour les savonneries traditionnelles et une tromperie pour les consommateurs qui s’attendent à certaines qualités. De plus, bien qu’un décret de 1812 précise que la ville de Marseille possède une marque pour ses savons à l'huile d'olive constituée par un pentagone dans lequel apparaît en son milieu les mots « huile d'olive, le nom du fabricant et celui de la ville de Marseille », il ne protège pas la dénomination « savon de Marseille ».
Il semble donc nécessaire de réglementer l’utilisation du nom de « savon de Marseille » si l’on ne veut pas voir disparaitre la recette originelle.
 

Mais quelle protection imaginer ?

Le Droit français et européen contient de nombreux signes de qualité pouvant permettre de protéger des produits et leur région, les plus connus étant les appellations d’origine contrôlée (AOC) et les indications géographiques protégées (IGP).

L’AOC est un signe de qualité désignant un produit qui tire son authenticité de son origine géographique. Elle est l’expression d’un lien intime entre le produit et son terroir, les qualités du produit étant liées à celles de la zone géographique et à la discipline humaine qui y est pratiquée.
Seuls « les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer, bruts ou transformés » peuvent bénéficier d’une AOC… notre savon de Marseille ne pourrait donc pas être reconnu comme AOC.

On trouve aussi l'indication géographique protégée (IGP), signe européen, qui concerne des produits dont toutes les phases d'élaboration ne sont pas nécessairement issues de la zone géographique éponyme mais qui bénéficie d'un lien à un territoire et d'une notoriété. Pour l’instant ce signe ne concerne que les produits alimentaires...

… néanmoins le savon de Marseille semble pouvoir correspondre à cette définition. C’est la position adoptée en 2011 par le ministère de l’économie des finances et de l’industrie. Ce dernier précise que Gouvernement a proposé un dispositif permettant l'enregistrement d'indications géographiques portant sur les produits industriels, dont pourrait bénéficier le « savon de Marseille ».
La reconnaissance d’une IGP « savon de Marseille » permettrait de lutter contre l’utilisation de ce signe pour des produits ne respectant pas le cahier des charges établi ainsi que de garantir aux consommateurs une qualité et une provenance certaine.

Cette solution semblerait optimale pour permettre aux entreprises traditionnelles de continuer leur activité dans le respect du savoir-faire local. Mais, tant que la législation nationale restera inchangée les chances d’obtenir une IGP européenne pour le savon de Marseille sont très minces.
Sauvons le Savon de Marseille !

Cendrine Claviez – Manon Robillot
 

Mots clés : savon de Marseille / signe de qualité / AOC / IGP


Sources : Sénat question écrite n°5557 (28 mars 2013) et n°5281 (14 mars 2013) - Assemblée nationale question écrite n°115861 (2 aout 2011) et réponse du ministère de l’économie, des finances et de l industrie (11 octobre 2011)
Article L641-5 Code rural et de la pêche maritime.