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Quelles sont les actions dont peuvent bénéficier les auteurs à l’encontre des cessionnaires successifs de leurs droits d’auteur ?

Focus sur l’arret de la 1ère chambre civile de la cour de cassation du 29 mai 2013 (pourvoi n° 12-14041)


Un auteur avait réalisé deux films intitulés “ Dupont Lajoie “ et “ Un Taxi mauve “ produits par la société SOFRACIMA à laquelle il avait cédé ses droits d’auteur en 1974.

Par contrat du 19 mars 1987, la société SOFRACIMA a cédé à son tour les droits d’exploitation télévisuelle, en France et dans divers autres pays, à la société Canal 01, laquelle les a transférés à la société CED aux droits de laquelle venait la société MK2.

Réalisateur => Producteur => Société SOFRACIMA => CANAL 01 => Société CED (MK2)


Le réalisateur avait assigné la société SOFRACIMA en résiliation des contrats conclus en 1974 et en réparation de son préjudice, pour avoir manqué à ses obligations de reddition des comptes et de versement de la rémunération proportionnelle.

Par assignation postérieure, le réalisateur, ainsi que les coauteurs et Mme A., venant aux droits de son époux, ont assigné la société MK2, la société SOFRACIMA et son liquidateur amiable, en contrefaçon (1) et versement d’une provision sur la rémunération proportionnelle (2).

Cet arrêt soulève ici deux problématiques intéressantes concernant les groupes de contrats audiovisuels et plus spécifiquement des successions de contrats de cessions de droits d’auteur.

Sur la demande de condamnation pour contrefaçon

La Cour d’appel qui fixait la date de résiliation des contrats de cession de droits d’auteur conclus entre le réalisateur des films et la société SOFRACIMA au 5 juin 1998, faisait droit à la demande de condamnation pour contrefaçon, retenant que la société MK2 avait poursuivi l’exploitation des films postérieurement à la date de résiliation précitée.

La partie défenderesse a alors fait valoir devant la Cour de cassation que la résiliation des contrats de cession de droits d’auteur n‘avait pas pour effet d’anéantir les contrats d’exploitation conclus antérieurement.

Au visa des articles 1184 du Code civil et des articles L. 131.3 et L. 132-24 du Code de la propriété intellectuelle, la Cour de cassation retient que « la résiliation des contrats de cession des droits d’auteur n’avait pas pour effet d’anéantir les contrats d’exploitation conclus antérieurement. La société MK2 était donc en droit d’exploiter ces droits et n’était donc pas condamnable au titre d’actes de contrefaçon ».

Sur la demande de condamnation en paiement d’indemnités provisionnelles au titre de la rémunération due aux auteurs

Pour la Cour d’appel, la demande de condamnation de la société MK2 au paiement d’indemnités provisionnelles au titre de la rémunération due aux auteurs était bien recevable. Elle retenait en effet que la société MK2 « ne pouvait leur opposer l’exécution de ses propres obligations au profit de la société SOFRACIMA, producteur, dès lors qu’elle savait que celle-ci manquait à ses obligations contractuelles à leur égard ».

Dans son arrêt en date du 29 mai 2013, la Cour de cassation énonce que « l’auteur dispose d’une action directe en paiement de la rémunération proportionnelle à l’encontre de l’exploitant cessionnaire des droits, qu’autant que l’action du producteur contre l’exploitant n’est pas elle-même éteinte », mais précise que « la connaissance que pouvait avoir la société MK2 des difficultés de paiement des droits d’auteur par le producteur était indifférente ».

La situation d’un groupe de contrats implique donc une certaine solidarité entre les cessionnaires successifs de droits d’auteur d’un point de vue de l’obligation de reddition des comptes et de paiement de la rémunération proportionnelle de l’auteur. L’auteur dispose donc d’une action directe contre le cessionnaire « final » des droits d’auteur.

Pour la Cour de cassation, le fait que le cessionnaire des droits d’auteur soit au courant des difficultés de paiement du producteur est indifférent. Pèse donc sur lui une obligation de vérification.

Cette obligation qui s’impose aux différents cessionnaires parties à un groupe de contrats de cession de droits d’auteur renforce donc la protection de l’auteur et peut être considéré comme une dérogation au principe d’effet relatif des contrats.

En revanche, une condition à cette action directe de l’auteur est posée par la Cour de cassation : l’action du producteur contre l’exploitant ne doit pas être éteinte.

Cendrine CLAVIEZ – Brice LEPAGNOT
 

Mots-clés : Droits d’auteur, cession des droits d’auteur, résiliation du contrat de cession des droits d’auteur, effets de la résiliation, producteur, œuvre audiovisuelle, action directe, groupe de contrats…